08 octobre 2006

Marche et rêve

Je suis sorti aujourd'hui, cette journée était trop belle, vraiment trop belle pour ruminer de noires pensées dans mon antre. Oh ! Ne t'affoles pas ami lecteur, je ne suis pas allé me perdre dans la foule surexcitée des grands magasins de Plan-de-Campagne ou flâner sur le marché dominical du cours Mirabeau d'Aix, non rien de tout cela.
J'avais envie de nature, de fatigue et de soleil. J'ai mangé tôt et 15 minutes avant la messe du 13h j'étais sur la route. J'ai traversé mon bled, marché le long de la route qui gravit la colline qui surplombe le "nouveau" collège et une heure après mon départ j'ai rejoint les sous-bois.
Et j'ai marché, marché sous le doux soleil d'automne et dans la brise qui venait du sud. Mes muscles longtemps au repos, enfin revivaient sous l'effort. Ma cheville mal remise se faisait plus présente à chaque hectomètre, jusqu' à finir par me faire vraiment souffrir. Mon esprit cloîtré dans le passé douloureux et les souvenirs acides s'ouvrait à d'autres passés plus primaires et plus doux. Le parfums des dernières fleurs, l'odeur des sous-bois réchauffés au soleil, les tracteurs griffant la terre avant l'hiver, les champs et les vignes murmurant à l'air agité... Mon enfance à la campagne sarthoise était là ! Moins chaude, plus humide, plus calme, moins bruyante... Mais j'y étais.
Je rêvais éveillé, un rêve étrange. Un rêve d'espoir, d'un autre monde, d'une autre vie. Je ne sais si c'est le passé, l'avenir, si même c'est bien moi assis sur cette terrasse face à cette plaine immense. Mais le rêve est là, encore. Je peux y retourner quand je veux, comme une fenêtre en moi ouverte sur cet autre Terre. Il y a ce linge étendu au loin, un grand drap blanc, des chemises et un gilet. Et aussi, et aussi... des vêtements plus petits... Et il y a le regard, il me fixe et je le connais. Il s'approche de moi et pourtant c'est comme s'il reculait... Le linge flotte au vent et blanchit au soleil. Le regard avance toujours et je vois le nez et les longs cheveux dorés. Je connais ce regard et il me sourit. Je ne peux pas bouger le bras gauche et ma main droite est tannée, vieillie. A côté du grand drap blanc il y a ce tout petit gilet...
Le regard me sourit toujours et je vois enfin ses lèvres, je la connais. Elle est belle, mais elle est bien plus que ça. Ses cheveux au vent, ce tout petit nez retroussé à la Sigourney Weaver, ses yeux qui me sourient. Oui je la connais, mais je ne peux bouger mon bras et elle ne doit pas parler. Cette plaine, vide, balayée par le vent, c'est un autre monde. Et devant, le linge qui danse avec ce tout petit gilet. Elle avance vers moi et me sourit, blanche, Blanche c'est peut-être son nom, les épaules nues juste zébrées par les bretelles de sa robe fauve aux motifs bariolés.
Je ne dois pas bouger mon bras et elle ne doit pas parler, mon index doit barre mes lèvres étirées. Je sourit à Blanche et elle regarde mon bras. Le petit gilet, il est à la petite fille blonde qui dort sur moi. Je ne suis pas son père mais Blanche est sa mère. Les champs ondulent sous la brise et la robe est tendue par le ventre de Blanche. Elle sera bientôt maman pour la seconde fois et moi père pour la première. Je connais ce regard, sa main se pose sur mon épaule et elle s'asseoit sur le banc contre moi.
Le linge danse toujours au soleil, la petite fille, éveillée, me regarde et je connais ce regard
aussi. Le regard de Blanche, le regard de l'Amour. Enfin, je le connais...

C'est certainement un autre temps, un autre monde, un autre moi, un autre que moi peut-être. Mais ce rêve est mien et j'irai chaque fois que j'en aurai besoin ou envie. Je n'y puiserai pas l'espoir, mais le bien-être. Le même bien-être qui m'envahit quand, exténué par ma longue marche au soleil, je m'endors sur le canapé, face au soleil et au vent qui agite les hauts cyprès. La paix, enfin.

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