08 mai 2006

Le Sexo

Dire que nos vies sont indissociables est exagéré. Elles sont cependant intimements liées, plus encore peut-être qu'avec les membres de ma famille de sang. Car je l'appelle mon frère, mais si j'ai 33 ans dans 12 jours, il ne l'est que depuis presque 23 ans.
Moi, arrivé en 83 dans cette Provence d'adoption, lui l'a toujours connu, enfant du pays. Nous nous sommes rencontrés rapidement après son arrivée dans le quartier, où je vivait depuis quelques mois. On a sympathisé comme seuls des enfants ou des hommes peuvent le faire, en jouant. Moi, l'aîné d'un an et demi de ce petit bonhomme qui me surplomberait de près de 20 cm six ans plus tard et lui, nous passions des heures à jouer aux légos, aux circuits de voitures qu'on traçait dans la poussière, au Mécano, au Monopoly, à faire du vélo dans le quartier des heures durant ou à pêcher des loches dans la rivière...
On s'est amusé, on s'est défié, on s'est éloigné, rapproché, battu, saoûlé, on est parti en camping ensemble, sorti en boîte (peu, j'aime pas...) enfin bref, tout ce que deux amis, deux frères peuvent faire lorsqu'ils s'entendent bien.
Il m'a même présenté l'ex-femme de ma vie, ce qu'il se reprochera toujours je crois, sans raison aucune. Ce choix m'appartenait, même si je ne l'aurai jamais refusé, les occasions de lever une fille étant bien trop rares dans mon cas !
J'ai fait énormément d'erreurs dans ma vie, peut-être parce que j'ai eu a faire trop de choix, c'est statistique. Peut-être aussi que je n'ai jamais assez réfléchi avant de foncer tête baissée comme mon signe zodiacal. Peut-être ma passivité et ma tendance à laisser pourrir les situations pour ne plus à faire de choix, m'ont conduit à cette situation. Mais ces histoires où deux frères se séparent à cause d'une femme ne sont pas des légendes puisque nous l'avons vécu. Par ma faute.
Je me suis approprié la famille de mon ex, moi dont la famille est éclatée. Et ce choix m'a éloigné de lui. Et lorsque ma vie s'est écroulée, détruite par cette femme aimée et détestée, le phare était toujours là. Lui et sa famille, lui et sa mère surtout.
Il a souffert de cet éloignement, je le sais. Il est de ces hommes qui affectent l'insensibilité, que rien ne touche, lorsqu'on parle de sentiments (parce qu'en revanche je vous déconseille de toucher à ses jouets !!!). Mais au fond, ce macho pur sauce bolo, n'est fort que lorsque l'amour de ses proches se manifeste !
Sa grande passion d'adolescent, qui était de s'envoyer le plus de nana possibles, a fait de lui un éminent spécialiste de la sexualité. Et pendant que des crétins s'imaginaient champions de tennis ou de foot parce que c'était leur passion, lui a fini par faire du sexe (enfin, la façon dont les autres s'en serve, ou pas...) son métier. L'heureux homme !
En dehors de sa passion pour le sexe, il y a les motos, les voitures. Lorsqu'il passe chaque semaine manger à la maison, la conversation tourne invariablement autour de ça. Oh, il y a bien un peu la photo, le whisky et deux ou trois bricoles comma ça... Heureusement que je suis motard et que j'adore les voitures !!!
Je ne sais pas ce que je peux bien lui apporter. Si lui m'épate dans son comportement avec les femmes, me donne des conseils (que je ne suis jamais, bien trop timide pour employer ses méthodes !), possède son cabinet, bientôt sa propre maison,bref... est en train de réussir sa vie, tardivement certes, mais les toubibs ne réussisent qu'à 35 ans ! Non ?
Moi en revanche, simple salarié, locataire d'un appartement gros comme une salle de séjour, célibataire de 33 ans aussi doué avec les femmes que Sugar Ray Léonard en couture, à part le pousser à faire du sport...
Parfois il me saoûle... Toujours en train de râler pour des choses qu'il ne peut changer. Si j'ai appris une chose de toute cette galère que je vis depuis un an et demi (à peine ! j'ai l'impression que ça fait dix ans...) c'est de ne m'occuper que des chose que je peux gérer, changer ou sur lesquelles je peux avoir de l'influence. Le reste n'est que perte de temps et d'énergie. Si j'ai besoin de râler je ne me prive pas, je suis un râleur, tout autant que lui. Mais je ne m'attarde pas sur l'immaîtrisable.
On me dit tout le temps que je suis jeune, que j'ai la vie devant moi. C'est pas vrai. Ce sont des paroles que les gens qui vous aiment vous disent pour vous rassurer ou vous remonter le moral. La vérité, c'est qu'une vie se construit entre 20 et 30 ans. Après, c'est de la réfection, du ravalement, de la maintenance, de la reconstruction... Je n'ai plus le temps pour les choses qui ne sont pas de mon ressort, à ma portée ou sous mon influence.

Et il en est de même pour toi, mon frère. Si j'ai un conseil à te donner, c'est de réfléchir à ce que tu as, à ce que tu peux faire avec. Pas à ce que tu aurais pu avoir et aurais pu faire avec.
J'ai payé cher pour comprendre ça, bien trop cher pour une seule personne. Alors autant que ça nous serve à tous les deux, le prix m'en paraîtra moins élevé...

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